Notre abeille noire locale est en danger. Vouloir la sauver m’a déjà valu le qualificatif d’utopiste. Le propre de l’utopisme n’est-il pas d’avoir raison trop tôt ?
Au cœur de la forêt d’Orléans, nous avons implanté un rucher de conservation loin de toute hybridation incontrôlée. La pitance y est quelquefois maigre mais notre Avette (nom donné à l’abeille noire dans le Gâtinais) est prévoyante et rustique, sachant gérer la ponte de sa reine et les périodes de famine.
Forêt des Carnutes deux fois millénaire, puis forêt des Loges, forêt royale offerte par Louis XIV à Monsieur son frère, duc d’Orléans, réaménagée au XVIII siècle pour les plaisirs de la chasse à courre sur ordre de Philippe Egalité (celui là même qui vota la décapitation de son cousin Louis XVI, avant que le vent ne tourne pour lui et que lui aussi eut la tête tranchée).
Cette forêt autrefois faite de landes et de bois, aujourd’hui plantée d’essences nobles est la plus grande forêt domaniale de France. Apis Mellifera Mellifera y a toujours vécu. Comme les Indiens d’Amérique du Nord relégués dans des réserves, notre abeille noire locale y trouvera-t-elle son dernier refuge. Pourtant, après des siècles de butinage, elle a donné ses lettres de noblesse au miel du Gâtinais.
Puisque demain ne devra plus être comme hier, je veux croire à la renaissance d’une apiculture intelligente à l’opposé d’une apiculture intensive pratiquée avec des abeilles hybrides souvent importées d’autres continents, incapables de survivre à la disette autrement que part l’apport de flots de sirop distribués entre chaque miellée.
Nous sommes de plus en plus nombreux à reconnaitre les qualités de cette abeille qui cohabite avec l’homme chasseur-cueilleur depuis la nuit des temps. On reproche parfois à l’abeille noire d’avoir mauvais caractère, je réponds à cela avec un clin d’œil, qu’elle est Gauloise. La sélection peut y remédier. Je sais que la tâche sera rude mais surtout pas insurmontable. Après des décennies d’hybridation incontrôlée le travail d’identification et de sélection devra être rigoureux.
Bientôt j’espère nous ne parlerons plus de zone refuge mais de zone sanctuaire, ce qui sera déjà un grand pas.
Gerard Petit
*Gérard Petit veille sur les colonies du conservatoire en Forêt d’Orléans.