« J’ai une bonne souche, je vais la multiplier autant que possible pour bénéficier de ses qualités ». C’est ainsi que procèdent assez logiquement une majorité d’apiculteurs qui peuvent ainsi composer des ruchers aux colonies homogènes. Mais la proximité génétique des lignées maternelles fragilise l’ensemble du rucher face aux phénomènes infectieux et aux disettes climatiques. Si une colonie est atteinte par un germe (bactérie ou virus), le risque est que celles qui possèdent le même patrimoine génétique n’aient pas davantage de résistance à opposer.
Eloge de la polyandrie
Dans une démarche de conservation mais aussi en apiculture de loisir, la sécurité consiste à diversifier au sein d’un même rucher les lignées maternelles et par conséquent de pourvoir en mâles d’origines différentes (les mâles, issus d’œufs non fécondés transmettent le génome de leur mère) afin qu’au cours des fécondations, les reines vierges s’accouplent avec tout une diversité de mâles. Dans une ruche où une seule mère produit toute la descendance, la polyandrie est le principal moteur du brassage génétique, lui-même garant de la pérennité de l’espèce. Vous comprendrez pourquoi le cahier des charges de la FEDCAN proscrit tout recours à l’insémination artificielle des reines. La richesse d’un conservatoire ne se mesure pas en nombre de ruches, mais en nombre de lignées différentes.
Des ruchers évolutifs
Concrètement comment ce besoin de diversité au sein de la population d’abeille noires locales se traduit sur les différents ruchers du conservatoire ? D’une part les ruches présentes ne resteront pas statiques. Les divisions effectuées seront dispatchées dans des ruchers différents. Au minimum deux fois par un une évaluation de toutes les colonies présentes est pratiquée. S’il apparait que la génétique a dérivé vers un métissage jugé excessif, la colonie quitte le conservatoire. Si les analyses montrent un bon pourcentage d’abeille noire, alors la ruche est déplacée au printemps vers le rucher de fécondation pour devenir une ruche à mâles. De nouvelles colonies provenant de la collecte de génétique rejoignent les ruchers après un stage d’observation et de vérification sanitaire chez un membre du conservatoire. Un rééquilibrage des emplacements peut s’avérer nécessaire en fonction de la quantité de nourriture disponible dans la zone de butinage.
C’est ainsi qu’une apiculture dite sédentaire nous amène à déplacer des ruches plusieurs fois dans l’année.
Déménagement nocturne.
Parfois, le soir, au fond des bois de Chambord, de curieuses lumières clignotent. De nouvelles ruches arrivent aux ruchers du Conservatoire, des reines viennent se faire féconder ou tout simplement à la suite à de tris, des ruches sont changées de rucher.
En pleine saison apicole, ce travail ne peut se faire que de nuit quand toutes les butineuses ont rejoint la colonie. L’usage de lampe à lumière rouge qui agresse moins les abeilles est préférable. Des bénévoles du Conservatoire se chargent de ce travail.